Par-dessus tout, je ne pense pas qu’un enseignant doive dire à ses élèves, directement ou indirectement, « non, ce n’est pas bien, tu ne penses pas à ça correctement » quand il s’agit d’un poème. Dites plutôt « quelle(s) partie(s) vous fait(font) penser cela ? » et poussez plus loin. Cela demande beaucoup de courage, mais c’est entièrement et passionnément possible.
(←Merci, Mme Allen !)
Pour autant… des attentes impossibles.
Comme l’écrit Ben Lerner dans, « La haine de la poésie »,
« La poésie » dénote une demande impossible. C’est l’une des raisons sous-jacentes pour lesquelles la poésie est si souvent accueillie avec mépris plutôt qu’avec simple indifférence et pourquoi elle est périodiquement dénoncée plutôt que simplement rejetée : la plupart d’entre nous portent au moins un faible sentiment d’une corrélation entre la poésie et la possibilité humaine qui ne peut être réalisée par les poèmes. Le poète… est donc à la fois un embarras et une accusation.
Lorsque quelqu’un se tourne vers la poésie pour la raison expresse qu’elle résoudra ses problèmes ou apaisera sa douleur, il peut très bien être déçu. La poésie pourrait être un mauvais remède. Un poème est sa propre expérience en soi, il ne peut donc jamais être exactement le vôtre (à moins que vous ne l’ayez écrit, je suppose).
Je n’attends pas d’un poème qu’il cloue le bec à chaque fois. C’est assez irréaliste. J’essaie donc de ne pas considérer la poésie en termes utilitaires (ou de considérer les poètes comme des héros-sauveurs du monde. Trop de pression. Ce sont aussi des humains).
C’est l’une des raisons pour lesquelles j’ai ressenti le besoin de quitter mon programme d’études supérieures. Je cherchais à commencer une carrière, mais je ne voulais pas devenir dépendant de mes poèmes pour ma subsistance ou ma confiance. Même si j’écrivais sur ma vie, je voulais maintenir une séparation entre ma vie et la petite vie de mes poèmes. Si mes poèmes échouaient, je ne voulais pas sombrer avec le navire.
La même raison pour laquelle la poésie pourrait être un mauvais remède pourrait juste en faire un excellent baume. J’aime lire de la poésie précisément parce qu’elle me permet d’envisager la manière d’un autre de penser/ressentir/être dans le monde, et une grande partie du plaisir et de la surprise vient lorsque je trouve des similitudes (bien que jamais des correspondances exactes) entre les pensées/ sentiments/ et expériences du poète et les miennes. J’aime ces moments où un poème me fait penser : « Wow, je ne suis pas aussi bizarre que je le pense ! ». Le meilleur.
J’essaie donc de garder les attentes sous contrôle et de rechercher des points de connexion dans un poème, mais je ne les exige jamais. (Et qui pourrait ?) Je ne punis certainement pas le poème pour ne pas livrer (tout aussi insoutenable) ou penser négativement du poète quand je ne connecte pas. (Ce n’est pas leur faute personnelle s’ils ne m’ont pas compris.) Je passe simplement à autre chose et lis autre chose.