L’animation et le direct ne font pas souvent bon ménage au cinéma, en grande partie parce que ce sont des formes d’art tellement différentes. Mais la sortie actuelle de Life, Animated, le documentaire sur un enfant autiste qui a utilisé les films d’animation de Disney pour comprendre le monde, nous rappelle qu’il existe des exceptions impressionnantes. Parfois, l’action en direct et l’animation peuvent s’unir, non pas pour combiner simplement les mondes des dessins animés et des humains (Mary Poppins, Space Jam, Who Framed Roger Rabbit), mais pour collaborer à un objectif artistique plus important. Voici huit films que nous aimons où les deux médiums entrent en collision, et ce qu’ils ont accompli en le faisant.
La vie, animée
L’animation est utilisée tout au long de La vie, animée pour visualiser des souvenirs et des réminiscences de l’enfance d’Owen, le sujet du film, qui n’ont pas de métrage. Mais une séquence en particulier se distingue : l’adaptation animée d’une histoire intitulée « Le pays des acolytes perdus » qu’Owen a écrite dans son enfance et qui révèle ses sentiments sur lui-même, Disney et le monde. Le réalisateur Roger Ross Williams a travaillé avec le studio de design français Mac Guff – plus précisément son propriétaire Philippe Sonrier et les artistes Mathieu Betard et Olivier Lescot – pour donner vie à l’histoire grâce à des dessins au crayon et à l’utilisation de couleurs simples, mais vivants. Ce qui ressort du produit fini n’est pas seulement que la séquence est magnifiquement animée, ou un choix très approprié pour le sujet du documentaire (quelqu’un qui aime l’animation) – c’est qu’elle utilise l’animation pour nous donner un accès visuel et empathique à l’esprit d’Owen, nous permettant de voir un monde qui ne serait pas disponible autrement.
Hedwig and the Angry Inch
Quand Hedwig, un musicien rock genderqueer, commence à chanter « The Origin of Love » dans ce film musical culte, le couplage avec une représentation animée de l’histoire de la chanson (basée sur une du Symposium de Platon) pourrait être rejeté comme ressemblant à un clip vidéo. Mais l’animation est plus que cela. D’une part, le mélange de figures dignes de Picasso et d’images de contes de fées de l’animatrice Emily Hubley permet de donner vie au mythe d’une manière qui aurait été difficile à visualiser autrement pour certains. D’autre part, l’animation nous permet de mieux établir le lien entre l’histoire de Platon et celle d’Hedwig. L’effet montre comment le mélange de l’animation avec l’action réelle peut ajouter une grande profondeur thématique.
The Fall
Le film sous-estimé de Tarsem Singh – sur un cascadeur dans un hôpital qui raconte à une jeune fille des histoires visualisées dans des séquences étonnantes et vibrantes – ne manque pas de splendeurs visuelles. Mais un moment particulièrement remarquable est celui où la jeune fille subit une opération chirurgicale et fait un cauchemar représenté en stop-motion. Animée par les frères Lauenstein, c’est une séquence sombre et dérangeante, qui semble visuellement déplacée par rapport au reste du film. Mais c’est précisément pour cela qu’elle est si efficace : elle illustre la puissance de ses peurs subconscientes et l’abstraction de la façon dont les enfants essaient de comprendre le monde. De cette façon, l’utilisation de l’animation stop-motion illustre ces qualités d’une manière qu’une séquence en prise de vue réelle n’aurait jamais pu avoir.
Kurt Cobain : Montage of Heck
Lorsque le réalisateur Brett Morgen a découvert un enregistrement de Kurt Cobain sur une cassette qui décrivait une rencontre sexuelle précoce formatrice et une tentative de suicide, il n’a pas su tout de suite comment l’intégrer à son film. Il a finalement opté pour ce qui allait devenir une séquence d’animation unicellulaire de quatre minutes, l’un des moments forts du documentaire. Les 6 000 images et les 60 peintures à l’huile qui la composent ont été créées en quatre mois par Hisko Hulsing, un animateur néerlandais, avec une équipe de plus de deux douzaines de personnes. Le résultat est remarquable non seulement parce qu’il donne l’impression d’être un court métrage autonome, mais aussi parce qu’il montre comment une animation inventive peut aider les documentaires à visualiser des éléments pour lesquels il n’existe pas d’images. Il se distingue pour honorer et accentuer la narration, l’esprit artistique et la vision du monde de Cobain avec son esthétique sombre et lunatique.
Waking Life/A Scanner Darkly
Richard Linklater n’a jamais été un cinéaste conventionnel, et Waking Life et A Scanner Darkly sont peut-être deux de ses films les moins conventionnels. Cela s’explique en grande partie par leur esthétique surréaliste et désorientante, qui associe animation et prises de vue réelles. Les images des deux films ont été créées en tournant d’abord normalement en vidéo numérique. Ensuite, le rotoscoping – une méthode qui consiste à superposer des séquences d’action réelle à des séquences d’animation – a été utilisé avec un programme spécial appelé Rotoshop. Ce qui distingue ces films de Linklater, c’est l’efficacité avec laquelle ils utilisent l’animation pour compléter les univers et les ambiances des films. Les rêveries éthérées sur la philosophie et l’existentialisme de Waking Life sont joliment reflétées par les fluctuations bancales de l’animation du film. Quant à A Scanner Darkly, le monde paranoïaque et dystopique d’un futur proche de Philip K. Dick est également bien rendu par l’aspect familier, mais étrange, de la rotoscopie appliquée à Keanu Reeves et à ses co-stars. Ce n’est pas un mélange qui fonctionnerait pour tous les films, mais il est difficile d’imaginer que l’un ou l’autre soit aussi efficace sans lui.
Diary of a Teenage Girl
L’adaptation du roman graphique de Phoebe Glockner sur l’éveil sexuel de l’artiste adolescente Minnie est ponctuée tout au long du film par l’interaction du personnage principal avec son propre art. Les images que Minnie voit et avec lesquelles elle parle – toutes dessinées à la main par la Brookylinite islandaise Sara Gunnarsdottir – sont utilisées à la manière des animations de Life, Animated : pour donner accès au monde intérieur d’une personne (ou d’un personnage fictif, dans ce cas). Ce qui est particulièrement génial dans Diary of a Teenage Girl, c’est que l’animation reflète l’art même de Minnie, allant jusqu’à nous permettre de voir comment une artiste comme elle voit le monde comme une source perpétuelle d’inspiration pour son travail.
Monty Python et le Saint Graal
Le style comique de Monty Python a toujours été un style animé, donc l’utilisation de l’animation dans la parodie classique de la légende arthurienne de la troupe a toujours semblé être un ajustement naturel. Les illustrations entre les récits des différents chevaliers ineptes de la Table ronde ont également un but fonctionnel. Elles constituent des coupures de chapitre, tout en reflétant l’aspect des illustrations de l’époque médiévale. Mais en animant les dessins, Terry Gilliam (qui les a basés sur les gribouillis que les moines dessinaient dans les manuscrits à l’époque médiévale) a également apporté une valeur ajoutée : l’humour. Comme dans la plupart de ses autres travaux sur les Python, les interludes se glissent en douceur dans la joyeuse comédie infantile que l’on retrouve dans le reste du conte.
Waltz With Bashir
Le documentaire d’Ari Folman qui enquête sur ses propres souvenirs perdus de la guerre du Liban de 1982 n’est pas un sujet que l’on épinglerait instantanément pour l’animation. Mais le style inventif – à la fois sombre et beau – du film contribue largement à évoquer la sensation onirique des souvenirs qui reviennent lentement. Le look du film a été obtenu grâce à une sorte de processus de prévisualisation désordonné : les interviews et les scènes ont d’abord été tournées sur des plateaux sonores, puis transformées en storyboards, avant d’être animées à l’aide d’Adobe Flash, ainsi que d’animations classiques et 3D. L’effet final est difficile à décrire sans l’avoir vu, mais après l’avoir vu, il est difficile d’imaginer l’histoire de Valse avec Bachir racontée d’une autre manière. C’est d’ailleurs ce qui unit tous les films qui utilisent de façon créative l’animation et la prise de vue réelle ensemble : ce n’est jamais comme un gadget ou une alouette, mais comme un moyen de raconter une histoire particulière de la meilleure façon possible.
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