Alexis Carrel

Article principal : L’Homme, cet inconnu

En 1935, Carrel publie un livre intitulé L’Homme, cet inconnu, qui devient un best-seller. Dans ce livre, il tentait d’esquisser un compte rendu complet de ce qui est connu et surtout inconnu du corps humain et de la vie humaine « à la lumière des découvertes de la biologie, de la physique et de la médecine », d’élucider les problèmes du monde moderne et de fournir des voies possibles vers une vie meilleure pour les êtres humains.

Pour Carrel, le problème fondamental était que :

les hommes ne peuvent pas suivre la civilisation moderne dans son cours actuel, car ils dégénèrent. Ils ont été fascinés par la beauté des sciences de la matière inerte. Ils n’ont pas compris que leur corps et leur conscience sont soumis à des lois naturelles, plus obscures, mais aussi inexorables que les lois du monde sidéral. Ils n’ont pas compris non plus qu’ils ne peuvent transgresser ces lois sans être punis. Ils doivent donc apprendre les relations nécessaires de l’univers cosmique, de leurs semblables, de leur intérieur, mais aussi celles de leurs tissus et de leur esprit. En effet, l’homme est au-dessus de tout. S’il dégénérait, la beauté de la civilisation, et même la grandeur de l’univers physique, disparaîtraient. … L’attention de l’humanité doit se tourner des machines du monde de la matière inanimée vers le corps et l’âme de l’homme, vers les processus organiques et mentaux qui ont créé les machines et l’univers de Newton et d’Einstein.

Carrell préconisait, en partie, que l’humanité pouvait s’améliorer en suivant les conseils d’une élite d’intellectuels et en intégrant l’eugénisme dans le cadre social. Il plaidait pour une aristocratie jaillissant d’individus à potentiel, écrivant:

Nous devons distinguer les enfants qui sont dotés de hautes potentialités, et les développer aussi complètement que possible. Et de cette manière, donner à la nation une aristocratie non héréditaire. De tels enfants peuvent se trouver dans toutes les classes de la société, bien que les hommes distingués apparaissent plus fréquemment dans les familles distinguées que dans les autres. Les descendants des fondateurs de la civilisation américaine peuvent encore posséder les qualités ancestrales. Ces qualités sont généralement cachées sous le manteau de la dégénérescence. Mais cette dégénérescence est souvent superficielle. Elle provient principalement de l’éducation, de l’oisiveté, du manque de responsabilité et de discipline morale. Les fils d’hommes très riches, comme ceux des criminels, devraient être retirés dès leur enfance de leur milieu naturel. Ainsi séparés de leur famille, ils pourraient manifester leur force héréditaire. Dans les familles aristocratiques d’Europe, on trouve également des individus d’une grande vitalité. La question des croisés n’est en aucun cas éteinte. Les lois de la génétique indiquent la probabilité que l’audace et l’amour de l’aventure légendaires puissent réapparaître dans la lignée des seigneurs féodaux. Il est également possible que les descendants des grands criminels qui ont eu de l’imagination, du courage et du jugement, des héros des révolutions française ou russe, des hommes d’affaires autoritaires qui vivent parmi nous, soient d’excellentes pierres de construction pour une minorité entreprenante. Comme nous le savons, la criminalité n’est pas héréditaire si elle n’est pas associée à la faiblesse d’esprit ou à d’autres défauts mentaux ou cérébraux. Les hautes potentialités sont rarement rencontrées chez les fils d’hommes honnêtes, intelligents, travailleurs, qui ont eu de la malchance dans leur carrière, qui ont échoué dans les affaires ou qui se sont débrouillés toute leur vie dans des positions inférieures. Ou encore chez les paysans qui vivent au même endroit depuis des siècles. Pourtant, de telles personnes naissent parfois des artistes, des poètes, des aventuriers, des saints. Une famille new-yorkaise brillamment douée et connue est issue de paysans qui ont cultivé leur ferme dans le sud de la France de l’époque de Charlemagne à celle de Napoléon.

Carrel a préconisé l’euthanasie pour les criminels, et les fous criminels, approuvant spécifiquement l’utilisation du gazage:

(t)he conditioning of petty criminals with the whip, or some more scientific procedure, followed by a short stay in hospital, would probably suffice to insure order. Ceux qui ont assassiné, volé en étant armés d’un pistolet automatique ou d’une mitrailleuse, enlevé des enfants, spolié les pauvres de leurs économies, trompé le public sur des questions importantes, devraient être éliminés de façon humaine et économique dans de petites institutions euthanasiques équipées de gaz appropriés. Un traitement similaire pourrait être avantageusement appliqué aux aliénés, coupables d’actes criminels.

Autrement, il approuvait l’eugénisme positif volontaire. Il a écrit :

Nous avons mentionné que la sélection naturelle n’a pas joué son rôle pendant un long moment. Que beaucoup d’individus inférieurs ont été conservés grâce aux efforts de l’hygiène et de la médecine. Mais nous ne pouvons pas empêcher la reproduction des faibles lorsqu’ils ne sont ni fous ni criminels. On ne peut pas non plus détruire les enfants malades ou déficients comme on le fait pour les chétifs d’une portée de chiots. Le seul moyen d’éviter la prédominance désastreuse des faibles est de développer les forts. Nos efforts pour rendre normaux les inaptes sont manifestement inutiles. Nous devrions donc nous efforcer de promouvoir la croissance optimale des personnes aptes. En rendant les forts encore plus forts, nous pourrions aider efficacement les faibles ; car le troupeau profite toujours des idées et des inventions de l’élite. Au lieu de niveler les inégalités organiques et mentales, nous devrions les amplifier et construire des hommes plus grands.

Il poursuivait :

Le progrès des forts dépend des conditions de leur développement et de la possibilité laissée aux parents de transmettre à leur progéniture les qualités qu’ils ont acquises au cours de leur existence. La société moderne doit donc permettre à tous une certaine stabilité de vie, un foyer, un jardin, des amis. Les enfants doivent être élevés au contact de choses qui sont l’expression de l’esprit de leurs parents. Il est impératif d’arrêter la transformation du paysan, de l’artisan, de l’artiste, du professeur, de l’homme de science en prolétaires manuels ou intellectuels, ne possédant que leurs mains ou leur cerveau. Le développement de ce prolétariat sera la honte éternelle de la civilisation industrielle. Il a contribué à la disparition de la famille en tant que cellule sociale, à l’affaiblissement de l’intelligence et du sens moral. Il détruit les restes de la culture. Toutes les formes de prolétariat doivent être supprimées. Chaque individu doit avoir la sécurité et la stabilité nécessaires à la fondation d’une famille. Le mariage doit cesser de n’être qu’une union temporaire. L’union de l’homme et de la femme, comme celle des anthropoïdes supérieurs, doit durer au moins jusqu’à ce que les jeunes n’aient plus besoin de protection. Les lois relatives à l’éducation, et surtout à celle des filles, au mariage et au divorce doivent, avant tout, tenir compte de l’intérêt des enfants. Les femmes devraient recevoir une éducation supérieure, non pas pour devenir médecins, avocates ou professeurs, mais pour élever leur progéniture de manière à en faire des êtres humains de valeur.La libre pratique de l’eugénisme pourrait conduire non seulement au développement d’individus plus forts, mais aussi de souches dotées de plus d’endurance, d’intelligence et de courage. Ces souches devraient constituer une aristocratie, d’où sortiraient probablement de grands hommes. La société moderne doit promouvoir, par tous les moyens possibles, la formation d’une meilleure souche humaine. Aucune récompense financière ou morale ne devrait être trop importante pour ceux qui, par la sagesse de leur mariage, engendreraient des génies. La complexité de notre civilisation est immense. Personne ne peut en maîtriser tous les mécanismes. Pourtant, ces mécanismes doivent être maîtrisés. Il faut aujourd’hui des hommes de grande taille mentale et morale, capables d’accomplir une telle tâche. L’établissement d’une aristocratie biologique héréditaire par l’eugénisme volontaire serait un pas important vers la solution de nos problèmes actuels.

L’approbation par Carrel de l’euthanasie des criminels et des aliénés a été publiée au milieu des années 1930, avant la mise en œuvre des camps de la mort et des chambres à gaz dans l’Allemagne nazie. Dans l’introduction allemande de 1936 de son livre, à la demande de l’éditeur, il a ajouté l’éloge suivant du régime nazi qui n’est pas apparu dans les éditions dans d’autres langues:

(t)le gouvernement allemand a pris des mesures énergiques contre la propagation des déficients, des malades mentaux et des criminels. La solution idéale serait la suppression de chacun de ces individus dès qu’il s’est révélé dangereux.

La traduction lettone du livre a été incluse dans la liste de 1951 des livres interdits en Union soviétique.

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