Artemisia I de Caria

Artemisia de Caria (également connue sous le nom d’Artemisia I) était la reine de la région anatolienne de Caria (au sud de l’ancienne Lydie, dans l’actuelle Turquie). Elle est surtout connue pour le rôle qu’elle a joué lors de la bataille navale de Salamine, en 480 avant J.-C., au cours de laquelle elle a combattu pour les Perses et s’est distinguée à la fois par sa conduite dans la bataille et par les conseils qu’elle a donnés au roi perse Xerxès avant le début de l’engagement. Son nom est dérivé de la déesse grecque Artémis, qui présidait à la vie sauvage et était la divinité protectrice des chasseurs. Elle était la fille du roi Lygdamis d’Halicarnasse et d’une mère crétoise dont le nom n’est pas connu. À la mort de son mari (dont l’identité est également inconnue), Artémise a assumé le trône de Carie en tant que régente pour son jeune fils Pisindelis. Il est probable qu’il ait régné sur Caria après elle, mais aucun document ne permet de l’affirmer. Après la bataille de Salamine, elle aurait escorté les fils illégitimes de Xerxès jusqu’à Ephèse (dans l’actuelle Turquie) pour les mettre à l’abri. La source principale pour ses exploits dans les guerres gréco-persanes est Hérodote d’Halicarnasse et son récit de la bataille de Salamine dans ses Histoires, bien qu’elle soit également mentionnée par Pausaniaus, Polyaenus, dans les Suda, et par Plutarque.

Tous les récits antiques d’Artémise la dépeignent comme une femme courageuse et intelligente qui fut un atout précieux pour Xerxès dans son expédition pour conquérir la Grèce, sauf celui de Thessalus qui la décrit comme une pirate sans scrupules et une intrigante. Il convient toutefois de noter que les auteurs ultérieurs sur Artémise Ier semblent avoir confondu certains de ses exploits avec ceux d’Artémise II, l’épouse du roi Mausole d’Halicarnasse (mort en 350 avant J.-C.) qui, entre autres, a fait construire le mausolée d’Halicarnasse, l’une des sept merveilles du monde antique. La conquête de la ville de Latmus, telle qu’elle est relatée dans Polynice (8.53.4), dans laquelle Artémise Ier organise une fête élaborée et colorée à quelques lieues de la ville pour en attirer les habitants, puis la capture sans combat, est en fait l’œuvre d’Artémise II. Il en va de même pour la suppression de la révolte de Rhodes contre Caria dans laquelle, après leur défaite, la flotte capturée de Rhodes est retournée à son port d’attache en conduisant des navires cariens ostensiblement saisis et, de cette façon, l’île a été soumise sans un long engagement.

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Artémisia &L’expédition perse

Hérodote fait l’éloge d’Artémisia Ier à tel point que les auteurs ultérieurs (dont beaucoup ont critiqué Hérodote sur un certain nombre de points) se plaignent qu’il se concentre sur elle à l’exclusion d’autres détails importants concernant la bataille de Salamine. Hérodote écrit :

Je passe sous silence tous les autres officiers parce qu’il n’est pas nécessaire que je les mentionne, sauf Artémise, car je trouve particulièrement remarquable qu’une femme ait pris part à l’expédition contre la Grèce. Elle a pris la tête de la tyrannie après la mort de son mari, et bien qu’elle ait eu un fils adulte et qu’elle n’ait pas eu à se joindre à l’expédition, son courage viril l’a poussée à le faire… Son escadron était le deuxième plus célèbre de toute la marine, après celui de Sidon. Aucun des alliés de Xerxès ne lui donna de meilleurs conseils qu’elle (VII.99).

L’expédition perse était la revanche de Xerxès sur les Grecs pour la défaite perse à la bataille de Marathon en 490 avant notre ère, et la force d’invasion perse aurait été la plus grande jamais rassemblée dans le monde jusqu’à ce moment-là. Même si Caria, qui faisait partie de l’Empire perse à l’époque, avait été obligée de fournir des troupes et des navires, il n’y aurait eu aucune raison pour qu’une reine en exercice dirige ou même accompagne ses soldats sur le terrain. La décision d’Artémise, donc, était entièrement la sienne.

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Artémise a combattu dans la bataille navale d’Artemisium et s’est distinguée comme commandant et tacticien.

Elle a combattu lors de la bataille navale d’Artémisium (qui s’est déroulée au large de l’Eubée et en même temps que l’engagement terrestre aux Thermopyles à la fin de 480 avant notre ère) et s’est distinguée comme commandant et tacticienne. On raconte qu’elle faisait flotter l’étendard grec ou perse depuis ses navires, en fonction des circonstances et des besoins, pour éviter le conflit jusqu’à ce qu’elle se positionne favorablement pour l’assaut ou la fuite. La bataille d’Artemisium s’est soldée par un match nul mais une victoire tactique perse, car la flotte grecque a quitté le champ de bataille après trois jours d’engagement, ce qui a permis à la flotte perse de se regrouper et d’élaborer une stratégie. Après la défaite des forces grecques aux Thermopyles, l’armée perse a quitté sa base de l’Hellespont pour traverser la Grèce continentale et raser la ville d’Athènes. Les Grecs avaient abandonné la ville avant l’avancée des Perses et, sous la direction de Thémistocle, avaient rallié leur marine au large de la côte, près du détroit de Salamine.

Conseil d’Artémise à Xerxès

Le continent grec avait été pris, Athènes brûlée, et Xerxès convoquait maintenant un conseil de guerre pour déterminer sa prochaine action. Il pouvait soit rencontrer les Grecs dans une bataille navale dans l’espoir de les vaincre de manière décisive, soit envisager d’autres options, comme couper leur approvisionnement et harceler leurs communautés jusqu’à ce qu’elles demandent la paix. Hérodote rend compte du rôle d’Artémise au conseil et du respect que lui accordait Xerxès :

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Quand ils se furent rangés et qu’ils furent tous assis à leur place, Xerxès envoya Mardonius pour tester chacun d’eux en lui demandant s’il devait ou non rencontrer l’ennemi en mer. Mardonius fit donc le tour de tout le groupe, en commençant par le roi de Sidon, et posa cette question. L’opinion unanime était qu’il devait rencontrer l’ennemi en mer, avec une seule dissidente – Artémise. Elle dit :  » Mardonius, porte pour moi ce message au roi, en lui rappelant que je n’ai pas joué un rôle négligeable ou lâche dans les batailles maritimes d’Eubée : Maître, il est juste que je vous dise ce qui est, à mon avis, le meilleur plan d’action pour vous. Voici donc mon conseil : n’engagez pas la flotte dans la bataille, car en mer, vos hommes seront aussi inférieurs aux Grecs que les femmes le sont aux hommes. De toute façon, pourquoi devriez-vous courir le risque d’une bataille navale ? N’avez-vous pas capturé Athènes, ce qui était le but de la campagne ? Ne contrôlez-vous pas le reste de la Grèce ? Il n’y a personne pour s’opposer à toi. Tous ceux qui l’ont fait ont reçu le traitement qu’ils méritaient. Je vais vous dire ce que je pense que l’avenir réserve à nos ennemis. Si tu ne te précipites pas dans une bataille navale, maître, mais que tu gardes ta flotte ici près du rivage, tout ce que tu dois faire pour gagner tous tes objectifs sans aucun effort est soit d’attendre ici, soit d’avancer dans le Péloponnèse. Les Grecs n’ont pas les ressources nécessaires pour vous résister pendant un certain temps ; vous les disperserez et ils se retireront dans leurs différentes villes. Voyez-vous, j’ai découvert qu’ils n’ont pas de provisions sur leur île, et si vous marchez par voie terrestre vers le Péloponnèse, il est peu probable que les Grecs de là-bas restent inactifs ou veuillent se battre en mer pour défendre Athènes. Cependant, si vous vous précipitez dans une bataille maritime, je crains que la défaite de la flotte n’entraîne celle de l’armée de terre. De plus, monseigneur, vous devriez garder à l’esprit que les bons hommes ont tendance à avoir de mauvais esclaves, et vice versa. Or, il n’y a personne de meilleur que vous, et vous avez effectivement de mauvais esclaves, qui sont censés être vos alliés – je veux parler des Égyptiens, des Cypriens, des Ciliciens et des Pamphylins, qui sont tous inutiles. »

Ces paroles d’Artémise à Mardonius ont bouleversé ses amis, qui supposaient que le roi la punirait pour avoir essayé de l’empêcher de s’engager dans une bataille navale, tandis que ceux qui enviaient et lui en voulaient pour sa proéminence au sein de l’alliance étaient satisfaits de sa réponse car ils pensaient qu’elle serait mise à mort. Mais lorsque les opinions de chacun furent rapportées à Xerxès, il fut ravi du point de vue d’Artémise ; il l’avait déjà bien notée auparavant, mais maintenant elle montait encore plus haut dans son estime.

Néanmoins, il donna des ordres pour que l’opinion majoritaire soit celle à suivre. Il croyait que ses hommes n’avaient pas combattu de leur mieux au large d’Eubée parce qu’il n’y avait pas été, et donc maintenant il se préparait à les regarder combattre (VIII.67-69).

Artémise à Salamine

Après la bataille d’Artémisium, les Grecs avaient mis une prime sur la tête d’Artémise, offrant 10 000 drachmes à celui qui la capturerait ou la tuerait. Malgré cela, rien ne prouve que la reine ait hésité à se joindre à la bataille navale, même si elle l’avait déconseillée. Les Grecs ont attiré la flotte perse dans le détroit de Salamine, en feignant une retraite, puis l’ont surprise en l’attaquant. Les navires plus petits et plus agiles des Grecs ont pu infliger d’énormes dégâts aux grands navires perses, tandis que ces derniers, en raison de leur taille, ne pouvaient pas naviguer efficacement dans les étroits confins. Hérodote écrit :

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Je ne suis pas en mesure de dire avec certitude comment des Perses ou des Grecs particuliers se sont battus, mais le comportement d’Artémise l’a fait monter encore plus haut dans l’estime du roi. Il se trouve qu’au milieu de la confusion générale de la flotte perse, le navire d’Artémise était poursuivi par un navire de l’Attique. Comme il lui était impossible de s’échapper, car la route était bloquée par des navires amis et que les navires hostiles étaient particulièrement proches du sien, elle décida d’un plan qui, en fait, lui fit beaucoup de bien. Elle décida donc d’un plan qui lui fut très bénéfique : alors que le navire attique était tout près derrière elle, elle aborda et éperonna l’un des navires de son propre bord, qui était composé d’hommes de Calynda et avait à son bord Damasithymus, le roi de Calynda. Je ne saurais dire si elle et Damasithymus s’étaient brouillés alors qu’ils étaient basés à l’Hellespont, si son action était préméditée ou si le navire de Calynda se trouvait simplement sur son chemin à ce moment-là. En tout cas, en l’éperonnant et en le coulant, elle s’est créé une double chance. En premier lieu, lorsque le capitaine du navire attique l’a vue éperonner un navire ennemi, il a supposé que le navire d’Artémise était soit grec, soit un transfuge des Perses combattant de son côté, alors il a changé de cap et s’est tourné vers l’attaque d’autres navires.

Donc la première pièce de la bonne fortune était qu’elle s’est échappée et est restée en vie. La seconde est que, bien qu’elle soit tout le contraire de la bienfaitrice du roi, ses actions ont rendu Xerxès particulièrement satisfait d’elle. On raconte qu’alors que Xerxès assistait à la bataille, il remarqua que son navire éperonnait l’autre et un membre de son entourage lui dit : « Maître, vous voyez comme Artémise se bat bien ? Regarde, elle a coulé un navire ennemi ! ». Xerxès demanda s’il s’agissait bien d’Artémise et ils confirmèrent que oui, car ils avaient pu reconnaître l’insigne sur son navire, et supposèrent donc que le navire qu’elle avait détruit était celui de l’ennemi – une supposition qui ne fut jamais réfutée, car une caractéristique particulière de la bonne fortune générale d’Artémise, comme nous l’avons noté, fut que personne du navire calyndien ne survécut pour la montrer du doigt. En réponse à ce que les courtisans lui disaient, Xerxès déclara :  » Mes hommes se sont transformés en femmes et mes femmes en hommes  » (VIII.87-88). (VIII.87-88).

La bataille de Salamine fut une grande victoire pour les Grecs et une défaite complète pour les forces perses. Xerxès ne comprenait pas ce qui avait si mal tourné et craignait que les Grecs, maintenant enhardis par leur victoire, ne marchent vers l’Hellespont, abattent les forces perses qui y étaient stationnées et le piègent, lui et ses forces, en Grèce. Mardonius suggéra un plan selon lequel il resterait en Grèce avec 300 000 hommes et soumettrait les Grecs pendant que Xerxès rentrerait chez lui. Le roi était satisfait de ce plan mais, reconnaissant que Mardonius avait également été parmi ceux qui avaient soutenu la désastreuse bataille navale, il convoqua un autre conseil pour déterminer le plan d’action approprié. Hérodote écrit :  » Il convoqua une réunion de Perses et, pendant qu’il écoutait leurs conseils, il lui vint à l’esprit d’inviter aussi Artémise, pour voir ce qu’elle proposerait, en raison de l’occasion précédente où elle s’était avérée être la seule à avoir un plan d’action réaliste. Quand elle est arrivée, il a congédié tous les autres » (VIII. 101).

Artémise lui a suggéré de suivre le plan de Mardonius, en disant,

Je pense que vous devriez vous retirer et laisser Mardonius ici avec les troupes qu’il demande, puisqu’il propose de le faire de son plein gré. Je pense que s’il réussit les conquêtes qu’il dit s’être fixées, et que les choses se passent comme il l’entend, l’exploit vous revient, Maître, car ce sont vos esclaves qui l’ont fait. Mais si les choses tournent mal pour Mardonius, ce ne sera pas un grand désastre en ce qui concerne votre survie et la prospérité de votre maison. Je veux dire, si toi et ta maison survivez, les Grecs devront encore faire de nombreuses courses pour leur vie. Mais s’il arrive quelque chose à Mardonius, cela n’a pas vraiment d’importance ; de plus, si les Grecs gagnent, ce ne sera pas une victoire importante car ils n’auront détruit qu’un seul de vos esclaves. Tout le but de ta campagne était de réduire Athènes en cendres ; tu l’as fait, alors maintenant tu peux partir (VIII.101-102).

Xerxès accepte cette fois les conseils d’Artémise et se retire de Grèce, laissant Mardonius mener le reste de la campagne pour lui. Artémise fut chargée d’escorter les enfants illégitimes de Xerxès en sécurité à Ephèse et, comme indiqué précédemment, disparut ensuite des archives historiques. Mardonius est tué à la bataille de Platée l’année suivante (479 avant notre ère) qui fut une autre victoire décisive pour les Grecs et mit fin à l’invasion perse en Europe.

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La légende de sa mort

Pausanius prétend qu’il y avait une statue de marbre d’Artemisia érigée dans l’agora de Sparte, dans leur salle perse, qui a été créée en son honneur à partir des débris laissés par les forces perses envahissantes. L’écrivain Photius (vers 858 de notre ère) rapporte une légende selon laquelle, après avoir amené les fils de Xerxès à Éphèse, elle tomba amoureuse d’un prince nommé Dardanus. Pour des raisons inconnues, Dardanus rejeta son amour et Artémise, désespérée, se jeta dans la mer et se noya. Cependant, rien dans les rapports des auteurs antiques ne permet d’ajouter foi à cette légende. L’histoire est similaire à celles exposées par Parthénius de Nicée (mort en 14 de notre ère) dans son Erotica Pathemata (Les douleurs de l’amour romantique), un ouvrage très populaire d’histoires d’amour tragiques, dont le but semble avoir été de servir d’avertissement sur les périls des attachements romantiques.

Il est possible que Photius, écrivant beaucoup plus tard, ait choisi de s’appuyer sur la figure d’Artémisia pour illustrer une leçon similaire. Si rien dans le dossier ne corrobore la version de Photius sur sa mort, rien ne la contredit non plus, si ce n’est le caractère de la femme telle qu’elle est décrite dans les histoires anciennes. Sa récente représentation fictive dans le film de 2014 300 : Rise of an Empire est en esprit avec les sources antiques et ne soutient guère l’affirmation qu’une telle femme mettrait fin à sa vie pour l’amour d’un homme.

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