Discussion
L’hyponatrémie est une perturbation des liquides et des électrolytes dans laquelle il y a un excès relatif d’eau liquide corporelle par rapport au contenu en sodium du corps. Elle est généralement définie comme une concentration de sodium inférieure à 135 mmol/L et constitue le trouble électrolytique le plus fréquemment observé en médecine clinique avec une prévalence rapportée de 4 % dans la population de patients adultes de médecine interne traités aux urgences et jusqu’à 30 % chez les patients hospitalisés3. 4 L’hyponatrémie a diverses étiologies et est le plus souvent causée par le syndrome de sécrétion inappropriée de l’hormone antidiurétique (ADH), l’utilisation de diurétiques thiazidiques, l’insuffisance cardiaque congestive, des vomissements et des diarrhées sévères ou la polydipsie.5 Les symptômes sont souvent légers et non spécifiques, comme des maux de tête, des nausées et une confusion, mais ils peuvent être graves et menacer le pronostic vital en cas de détresse cardio-respiratoire, de convulsions et de coma.6 Les symptômes graves sont plus souvent observés en cas d’hyponatrémie aiguë, mais l’hyponatrémie chronique chez des patients apparemment asymptomatiques doit être considérée comme une maladie grave car elle est associée à une augmentation marquée du risque de mortalité toutes causes confondues.7 Bien que rare, l’encéphalopathie est la complication la plus grave de l’hyponatrémie aiguë. Elle est le résultat d’un œdème cérébral et d’une augmentation de la pression intracrânienne causée par le mouvement osmotique de l’eau dans les cellules du cerveau après que le compartiment extracellulaire soit devenu hypoosmolaire dans un laps de temps relativement court (<48 heures).8 En l’absence de traitement, l’encéphalopathie hyponatrémique peut entraîner une détérioration neurologique ou la mort.2 9
Ce cas décrit un homme avec une crise d’épilepsie comme présentation initiale d’une encéphalopathie hyponatrémique aiguë pour laquelle le diagnostic a été posé avec un retard important et qui a finalement conduit à une ponction lombaire inutile. Ce retard peut s’expliquer en partie par l’absence d’une bonne anamnèse médicale en raison de la somnolence postictale qui ne permettait pas de savoir directement que le patient avait bu une quantité excessive d’eau sur une courte période. Un indice pour le diagnostic d’un début aigu de l’hyponatrémie aurait pu être son récent mal de tête émergé et la découverte sur le scanner de la tête qui a montré des signes d’effacement sulcal diffus. Bien que ce dernier signe soit évocateur d’un œdème cérébral, il n’est pas spécifique de l’hyponatrémie.10 Cependant, l’encéphalopathie hyponatrémique a été principalement écartée comme diagnostic initial en raison du fait que la première analyse de sang (veineux) effectuée peu après la crise a montré un taux de sodium plasmatique de 131 mmol/L. Ce n’est qu’après la deuxième analyse (artérielle) que l’on a constaté une augmentation de la concentration de sodium dans le sang. Ce n’est qu’après la deuxième analyse de sang (artériel), effectuée 45 minutes plus tard, qu’une hyponatrémie cliniquement significative de 118 mmol/L a été trouvée. Cette divergence ne peut pas être expliquée par des erreurs (pré)analytiques, car une analyse des gaz du sang veineux, effectuée simultanément à la prise de sang initiale et mesurée sur un analyseur différent, a également montré un niveau de sodium comparable. Comme cet échantillon a été mesuré sur un analyseur de gaz du sang au point de service avec une électrode directe sélective d’ions, la pseudo-hyponatrémie a pu être écartée. Il est intéressant de noter que la première analyse de sang a également montré des taux élevés d’hématocrite et d’albumine suggérant une hémoconcentration. L’explication de cette hypernatrémie relative est donc une perte d’eau causée par un déplacement d’eau du compartiment extracellulaire vers les cellules, vraisemblablement les cellules musculaires compte tenu de sa crise épileptique. Une augmentation de la concentration de sodium dans le plasma a été décrite chez des sujets peu de temps après un exercice intense ou, comme dans ce cas, après des crises.11-13 Le déplacement de l’eau du compartiment extracellulaire est provoqué par une augmentation du nombre effectif d’osmoles dans les cellules des muscles squelettiques. Pendant l’exercice, les macromolécules, comme le glycogène, sont rapidement converties en de nombreuses molécules plus petites de L-lactate. Les ions L-lactate qui s’accumulent diffusent lentement à partir des cellules, augmentant ainsi l’osmolalité intracellulaire par rapport aux tissus interstitiels, ce qui entraîne une osmose qui conduit l’eau dans les cellules musculaires. Plus important encore, les nouvelles osmoles créées par la dégradation de la phosphocréatine en créatine et en phosphates inorganiques contribuent à ce processus.14 Cette perte d’eau intravasculaire peut augmenter la concentration de sodium plasmatique de 10 à 15 mmol/L pendant 10 à 15 minutes, après quoi le niveau de sodium revient lentement à ce qu’il était avant la crise.12 15 Cet effet serait plus prononcé dans le sang prélevé sur un membre affecté (veine brachiale ou antécubitale). Directement après la crise, le sang veineux (efférent) peut montrer une concentration de sodium beaucoup plus élevée par rapport à un échantillon artériel (afférent), puisque ce dernier est le reflet de l’homéostasie hydrique de l’ensemble du corps et pas seulement du membre affecté.14
En cas d’hyponatrémie, comme décrit dans notre cas, l’augmentation du sodium peut conduire à des niveaux de sodium plasmatique presque normaux ou même entièrement normalisés, ce qui entraîne une mauvaise interprétation. Après un exercice intense, une crise ou une rhabdomyolyse manifeste, nous conseillons donc deux stratégies pour interpréter correctement la concentration de sodium plasmatique. Premièrement, des analyses de sang répétées pourraient éventuellement éviter une mauvaise interprétation car une augmentation transitoire du sodium peut disparaître rapidement. Deuxièmement, un échantillon de sang artériel pourrait refléter plus précisément le véritable niveau de sodium plasmatique puisque l’effet de l’hémoconcentration due à la rhabdomyolyse et donc l’augmentation du sodium plasmatique artériel est moins important que dans le sang veineux prélevé dans la veine d’un membre affecté.14
Points d’apprentissage
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L’hyponatrémie symptomatique est un diagnostic qui pourrait potentiellement être faussement écarté lorsqu’il est masqué par une augmentation transitoire du sodium après une crise.
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En particulier dans les cas graves d’encéphalopathie hyponatrémique, où la présentation initiale peut être une crise ou un patient postictal avec une histoire de cas peu claire, cela peut conduire à un retard non désiré et à des tests diagnostiques supplémentaires inutiles.
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A côté de la sensibilisation, également l’analyse des gaz du sang artériel et des tests répétés après une crise d’épilepsie de cause inconnue, pourrait empêcher une mauvaise interprétation.