La cathédrale engloutie

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Les « accords d’orgue » de La cathédrale engloutie

La forme globale de cette pièce peut être vaguement attribuée à une forme ternaire ABA, qui se divise joliment en sections lors du changement de tonalité écrit, de sorte que A englobe le début jusqu’à la mesure 46, B englobe les mesures 47-71, et AI englobe la mesure 72 jusqu’à la fin. Chaque grande section peut être divisée en sections plus petites et en thèmes, qui sont disposés de manière à donner à la pièce une structure à peu près symétrique.

La section A peut elle-même être divisée en trois sections plus petites : a1 (m. 1-15), a2 (m. 16-21), et a3 (m. 22-46). L’introduction de la pièce (a1) présente la collection pentatonique en sol majeur en accords de blocs ascendants évoquant le chant de l’organum avec de nombreuses quintes parallèles. Ce motif se répète deux fois, mais à chaque fois la basse descend d’un pas, de sorte que la première répétition du motif a lieu sur un fa dans la basse et la seconde sur un mi. La note supérieure de ce motif, un mi, est maintenue en octaves et répétée, évoquant le son des cloches d’église. Cela mène à une brève section en la1 où un nouveau thème est présenté en do# mineur, se tissant autour des mi de cloche. Au m. 14, le thème pentatonique initial revient, mais cette fois sur un do dans la basse. C’est la première indication de la véritable tonique de la section A et de l’ensemble de la pièce. La section A2 commence au m. 16 avec un changement de tonalité en si majeur et une nouvelle impulsion rythmique introduite par des triolets de croches à la main gauche. Cela contraste fortement avec les lignes lentes et ouvertes de noires et de blanches de la section a1, bien que la main droite présente toujours les mêmes accords ascendants de noires. Au m. 19, une version légèrement modifiée de ce matériau est présentée en mi bémol majeur. Le matériel mélodique des sections en si majeur et en mi bémol majeur utilise les modes pentatoniques respectifs de ces tonalités. Cette section se construit jusqu’à l’arrivée de la section a3. Le début de la section a3 (m. 22-27) s’appuie sur un accord de 7e de dominante en sol et revient à l’utilisation de lignes de demi-croches et de noires aux sonorités plus ouvertes. Cela mène au point culminant de la pièce au m. 28, où le matériau thématique principal de la section A, suggéré tout au long du matériau précédent, est présenté en do majeur fortissimo. Les épais accords de bloc joués à deux mains évoquent le son d’un orgue. Alors que la majorité de ce thème est présenté dans le mode diatonique de do majeur, l’ajout d’un si bémol aux m. 33-37 change brièvement le mode en do mixolydien avant de revenir au mode ionien (majeur). Les mesures finales de a3, 42-46, servent de transition vers la section B de la pièce.

La section B comporte une modulation en do# mineur et présente le matériau mélodique correspondant de la section A/a1. Ce matériel est élargi et se construit jusqu’à un point culminant dans la section B à la mesure 61. Alors que la musique s’éloigne de ce point culminant, l’une des sonorités les plus intéressantes de la pièce est présentée à la mesure 63 sous la forme d’accords de 7e de dominante avec un planing d’accords. Les racines de ces accords planants suivent la signature de la tonalité mais la qualité de chaque accord reste dominante. Cela laisse place à une transition de 4 mesures (m. 68-71) vers la section AI finale.

La section AI est en quelque sorte une image miroir de la section A originale. Le thème en do majeur qui avait été présenté à l’origine dans la section finale (a3) de A revient au début de AI, cette fois pianissimo, pas tout à fait aussi épais, et dans un registre plus grave sur une figure oscillante de croches dans la basse. Cela laisse place à la dernière petite section de la pièce (m. 84-89), qui est un miroir de l’introduction de la pièce (a1). La figuration pentatonique ascendante vue au début apparaît ici, cette fois dans la tonique do majeur. La pièce se termine sur un accord de do majeur avec un degré de gamme 2 ajouté.

La forme ABA presque symétrique aide à illustrer la légende à laquelle Debussy fait allusion dans l’œuvre, et ses marques aident à pointer à la fois vers la forme et la légende. Par exemple, la première section est décrite comme étant « dans une brume doucement sonore », ou « in a sweetly sonorous fog ». Puis, à la mesure 16, les indications disent « peu à peu sortant de la brume », ou « little by little emerging from the fog ». Ce changement d’imagerie (ainsi que le changement de tonalité qui l’accompagne) pourrait représenter la cathédrale émergeant de l’eau. À la mesure 72, la marque dit « comme un écho de la phrase entendue antérieurement », ou « like an echo of the previously heard phrase », ce qui pourrait être comme la cathédrale qui avait émergé s’éloignant progressivement et retournant peut-être dans l’eau.

Structure thématique/motiviqueEdit

Dans cette pièce, Debussy compose la musique en utilisant le développement motivique, plutôt que le développement thématique. Après tout, « Debussy se méfiait du développement comme méthode de composition ». Fondamentalement, toute la pièce est composée de deux motifs de base, le premier motif existant dans trois variations différentes, ce qui fait 4 fragments au total (sans compter les inversions et transpositions de chacun). Les motifs sont : 1) Ré-Mi-B ascendant ; 1a) Ré-Mi-A ascendant ; 1b) Ré-Mi-G ascendant ; 2) Mi-C# descendant. Debussy sature magistralement toute la structure de la pièce avec ces motifs, à grande et petite échelle. Par exemple, le motif 1 apparaît dans le bas des accords de la main droite sur les 2e, 3e et 4e noires de la mesure 14 (ré-mi-sol), et à nouveau sur les trois temps de noires suivants (ré-mi-sol). Ce n’est pas une coïncidence si le motif 1b est entendu sur les 4e, 5e et 6e temps de noires de la mesure 14 (B-D-E). Le motif 1 est entendu à une échelle plus large dans les notes basses (notes entières pointées) des mesures 1 à 16, frappant les notes du motif en inversion et en transposition sur les temps faibles des mesures 1, 15 et 16 (G-C-B). On trouve également deux occurrences du motif 2 dans les mesures 1 à 15 (sol à la mesure 1, mi à la mesure 5 ; mi à la mesure 5, do à la mesure 15). Le motif 1 est également entendu par une voix de soprano dans les mesures 1 à 15 : le ré aigu des mesures 1, 3 et 5 ; l’octave de mi soprano qui apparaît 12 fois dans les mesures 6 à 13 ; le si aigu des mesures 14 et 15. À travers toutes ces répétitions, transpositions et inversions de motifs, les thèmes (phrases plus longues composées de motifs plus petits) restent très statiques, avec seulement quelques allongements ou raccourcissements occasionnels tout au long de la pièce : Le thème pentatonique ascendant de la mesure 1 (thème 1) se répète aux mesures 3, 5, 14, 15, 16, 17, 84, 85, et avec de légères variations aux mesures 28-40 et 72-83. Un second thème (thème 2), apparaissant pour la première fois dans les mesures 7-13, se répète dans les mesures 47-51.

ContextEdit

Ce prélude est typique des caractéristiques compositionnelles de Debussy. C’est une exploration complète de la sonorité des accords qui englobe toute la gamme du piano, et qui inclut l’un des accords caractéristiques de Debussy (une triade tonique majeure à laquelle sont ajoutés les 2e et 6e degrés de la gamme). Troisièmement, elle montre l’utilisation par Debussy de l’harmonie parallèle (la section commençant à la mesure 28, en particulier), qui est définie comme une coloration de la ligne mélodique. C’est très différent d’un simple doublage mélodique, comme les tierces dans Voiles, ou les quintes dans La Mer, qui ne sont généralement pas entendues seules sans une figure d’accompagnement significative. L’harmonie parallèle force les accords à être compris moins avec des racines fonctionnelles, et plus comme des expansions coloristiques de la ligne mélodique. Dans l’ensemble, ce prélude, en tant que représentant des 24 préludes, montre le processus de composition radical de Debussy lorsqu’il est considéré à la lumière des 200 années précédentes de musique classique et romantique.

ParallélismeEdit

La cathédrale engloutie de Debussy contient des instances d’une des techniques les plus significatives trouvées dans la musique de la période impressionniste appelée parallélisme. Il existe deux méthodes de parallélisme en musique ; le parallélisme exact et inexact. Le parallélisme inexact permet de faire varier la qualité des intervalles harmoniques tout au long de la ligne, même si la taille des intervalles est identique, alors que le parallélisme exact permet de conserver la même taille et la même qualité au fur et à mesure que la ligne progresse. Le parallélisme inexact peut donner un sens de la tonalité, tandis que le parallélisme exact peut dissiper le sens de la tonalité, car le contenu des hauteurs ne peut pas être analysé diatoniquement dans une seule tonalité.

Debussy utilise la technique du parallélisme (également connu sous le nom de rabotage harmonique) dans son prélude pour diluer le sens du mouvement de direction trouvé dans les progressions traditionnelles antérieures. Cette application permet de créer une ambiguïté tonale que l’on retrouve souvent dans la musique impressionniste. On peut noter qu’il a fallu un certain temps pour que la musique impressionniste soit appréciée, mais les critiques et le public auditeur ont fini par se réchauffer à cette expérience de liberté harmonique.

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