Le nez en selle : une approche systématique

1.3 Classification et algorithme thérapeutique

La classification de Tardy du nez en selle comporte trois degrés croissants de sévérité : minimal, modéré et majeur . Le premier degré implique une légère accentuation de la dépression du supra-tip, 1 à 2 millimètres au-dessus de l’idéal. On peut observer dans ce cas la présence d’une « pseudo-bosse » dorsale dans le tiers supérieur de la pyramide nasale, causée par l’effondrement des deux autres tiers. Si la déformation du nez en selle est due à l’absence de la cloison caudale, il y aura également un certain degré de rétraction columellaire. Le nez en selle de sévérité modérée et majeure présente une plus grande dépression du dorsum due à la perte du support osseux-cartilagineux.

La classification de Daniel et Brenner distingue plutôt six types de nez en selle :

(1) Le type 0 (pseudo-nez en selle) comprend les patients qui présentent une dépression du dorsum cartilagineux due à une rhinoplastie antérieure. (2) Le type I (mineur) comprend les cas présentant une dépression excessive du supratip et une rétraction columellaire causée par l’affaiblissement du septum cartilagineux. (3) Le type II (modéré) se caractérise par un effondrement de la crête cartilagineuse, une rétraction columellaire et une perte de soutien de la pointe. (4) Le type III (majeur) comprend des cas plus graves avec l’absence totale de support pour la crête cartilagineuse, la columelle et la pointe nasale. (5) Le type IV (sévère) implique l’absence totale de support osseocartilagineux, souvent associée à une perforation septale, une dépression du dorsum osseocartilagineux, une rétraction columellaire et une perte de projection de la pointe. (6) Le type V (catastrophique) comprend les cas qui nécessitent des lambeaux locaux ou libres pour la reconstruction et sont souvent associés à une déformation d’autres régions voisines de la face. Les auteurs établissent une corrélation entre chacun des différents types et une approche thérapeutique, dont la complexité augmente en fonction du déficit tissulaire impliqué, et une étiologie spécifique.

Il est cependant souvent difficile en pratique d’identifier un cas particulier de nez en selle comme appartenant à l’une ou l’autre catégorie d’une classification trop spécifique caractérisée par des étiologies, des caractéristiques cliniques et des approches thérapeutiques communes. Comme le dit Murakami, « la variabilité existe dans une large mesure, parce que la déformation du nez en selle n’est pas une entité unique, mais plutôt un spectre d’anomalies. »

D’autre part, le besoin pratique se fait sentir d’une classification rapide du nez en selle comme préalable à la décision sur la façon de le corriger.

La classification originale mise en avant ici comme un outil plus pratique implique trois degrés de gravité et prend la présence ou l’absence de la cloison nasale comme facteur principal pour déterminer le traitement chirurgical nécessaire.

Degré I (léger) : dépression <2 mm par rapport à la hauteur idéale du dorsum : septum présent (figure 5a).

Figure 5.

(a) Vue préopératoire d’un patient affecté par la déformation du nez en selle degré I (léger). (b) Vue postopératoire de profil du même patient de (a).

Degré II (modéré) : dépression de 2-5 mm par rapport à la hauteur idéale du dorsum :

(a) septum cartilagineux présent ou partiellement présent (figure 6a) et

Figure 6.

(a) Vue préopératoire d’un patient affecté par une déformation du nez en selle de degré IIa (modérée avec septum cartilagineux présent). (b) Vue postopératoire de profil du même patient de (a).

(b) septum absent (figure 7a)

Figure 7.

(a) Vue préopératoire d’un patient affecté par une déformation du nez en selle de degré IIb (modérée avec septum cartilagineux absent). (b). Vue postopératoire de profil du même patient de (a).

Degré III (sévère) : dépression >5 mm par rapport à la hauteur idéale du dorsum : septum absent (figure 8a).

Figure 8.

(a) Vue préopératoire d’un patient atteint de la déformation du nez en selle degré III (sévère). (b). Vue postopératoire de profil du même patient de (a).

L’algorithme thérapeutique qui en résulte est le suivant :

I : Greffes onlay de la cloison nasale (figure 5b).

IIa : Greffes onlay du septum nasal et/ou de la conque auriculaire (figure 6b).

IIb : Reconstruction du septum et du dorsum avec la conque auriculaire (figure 7b).

III : Reconstruction du septum et du dorsum avec du cartilage costal (figure 8b).

La hauteur idéale du dorsum diffère pour les hommes et les femmes, coïncidant dans le premier cas avec la ligne allant du nasion aux points définissant la pointe (avec une projection appropriée de la pointe) et positionnée à environ 2 mm caudalement de la même dans le second.

La présence ou l’absence de la cloison nasale, constatée cliniquement non seulement par palpation et rhinoscopie antérieure mais aussi par des moyens radiologiques comme la RMN pour plus de précision, est d’une importance cruciale pour décider de la correction de la déformation (figure 9).

Figure 9.

Signe clinique de l’absence de support septal.

L’objectif premier doit être de restaurer le support du nez et ensuite d’obtenir l’apparence désirée. La reconstruction peut donc être décrite comme composite avec une couche inférieure de soutien et une couche supérieure d’importance esthétique. Dans les cas I et IIa, où le septum est présent et le support existe, des greffes en onlay peuvent être utilisées pour corriger la déformation. Le matériau peut être prélevé sur le septum présent ou résiduel et sur le cartilage de la conque auriculaire si celui-ci s’avère insuffisant.

La greffe en onlay doit être soigneusement modelée pour s’assurer qu’elle ne soit pas perceptible à la vue ou au toucher après l’opération. A cet effet, des incisions peuvent être réalisées à mi-épaisseur du cartilage afin d’obtenir une forme plus ou moins incurvée selon les besoins. On peut donner au cartilage la forme d’un V inversé, d’un U inversé ou d’un A au moyen de fractures en bois vert.

Il doit également être ovale, plus large au milieu et plus étroit en haut et en bas, afin de suivre la forme naturelle du dorsum.

Une greffe en V inversé offre une adaptation et une stabilité supérieures à une greffe plate. Comme il est constitué d’une seule couche, il ne peut être utilisé que pour les patients nécessitant une augmentation minimale du dorsum. Si une augmentation est nécessaire, un pilier de cartilage peut être suturé sous le V inversé de manière à créer une structure solide en forme de A. Ce pilier stabilisateur peut être fixé à l’aide d’une vis. Ce pilier de stabilisation peut être fixé plus près ou plus loin du sommet du V inversé afin de varier le degré d’écart entre les bras du V et d’augmenter ou de diminuer la hauteur de la greffe. Le V inversé et la forme en A présentent tous deux, cependant, un angle très aigu au sommet, ce qui peut donner au dorsum un aspect trop étroit chez les patients dont la peau est très fine. Dans ce cas, il s’avère utile de pratiquer d’autres incisions à mi-épaisseur de part et d’autre de l’incision médiane afin d’obtenir une forme en U inversé, plus proche de la courbure naturelle du dorsum nasal et plus stable lors de l’insertion dans celui-ci. Même dans les cas où seul un défaut dorsal localisé est présent, il est généralement préférable, lorsque cela est possible, d’utiliser un greffon couvrant la zone allant du nasion à l’angle septal afin de réduire les irrégularités, d’obtenir le meilleur résultat esthétique et de réduire la possibilité que le greffon soit déplacé. Pour fixer le greffon onlay, il faut créer une poche très précise au niveau céphalique afin d’éviter tout déplacement. Caudalement, il est plutôt possible de fixer le greffon au septum ou aux cartilages alaires, la suture étant dans ce cas évidemment facilitée par l’approche ouverte. Afin d’obtenir une plus grande stabilité, une incision médiane d’environ 5 mm peut être pratiquée sur le bord caudal du greffon de manière à obtenir deux petites bandes de cartilage à suturer à la crure latérale.

Certains auteurs conseillent de fixer le greffon également céphaliquement au moyen de sutures transcutanées à retirer après 7-10 jours. Un autre conseil lors de l’utilisation de greffons onlay est d’effiler soigneusement les bords afin d’éviter la création de « marches » perceptibles à la vue ou au toucher après l’opération.

Le degré IIb implique une dépression modérée du dorsum nasal et l’absence de support septal. Dans ce cas, bien que le cartilage costal soit une possibilité, la reconstruction de la structure en L du support dorsal caudal avec du cartilage auriculaire est incontestablement préférable étant donné l’absence presque totale de conséquences esthétiques-fonctionnelles indésirables. De toute façon, il est généralement préférable, dans la mesure du possible, de prélever du matériel sur la conque auriculaire plutôt que sur la côte, notamment en termes d’acceptabilité par le patient. Même si son élasticité et sa courbure naturelle ne font pas du cartilage conchal un matériau idéal pour la reconstruction de la cloison nasale, il est possible d’obtenir une structure de soutien en L, droite et solide (figure 10).

Figure 10.

Neoseptum totalement reconstruit par du cartilage conchal.

Les résultats esthétiques et fonctionnels peuvent être excellents, et les dommages au site donneur sont normalement minimes.

La conque auriculaire est par contre insuffisante, même lorsqu’elle est prélevée bilatéralement, pour la correction du nez en selle de type III, où une dépression dorsale marquée et l’absence de support septal sont souvent combinées avec le manque de support des os nasaux. Tout cela s’accompagne presque invariablement d’une contraction de la peau et de la muqueuse de nature cicatricielle ou résultant de l’abus de cocaïne ou d’une rhinoplastie antérieure.

L’approche thérapeutique du nez en selle de type III vise donc à la reconstruction d’une structure de soutien robuste en forme de L capable de résister adéquatement à la traction de la peau et de la muqueuse lors de la cicatrisation. Le matériau de choix pour la greffe est sans conteste le cartilage costal, façonné principalement dans le but de reconstruire le support caudal et dorsal du septum. A cet effet, il est possible de connecter deux morceaux d’une même côte (ou deux côtes), l’un servant de pilier dorsal avec une douille pour fixer l’autre servant de pilier caudal (figure 11a et b).

Figure 11.

(a) et (b) Structure septale antéro-caudale reconstruite par du cartilage costal.

Il n’est pas facile de fixer le greffon en place, surtout dans la partie céphalique. Alors que certains auteurs suggèrent que la création d’une poche suffisamment grande pour l’insertion du greffon est suffisante, d’autres soutiennent qu’une plus grande stabilité est nécessaire. Selon Gunter et al, le fil de Kirschner peut être utilisé à la fois pour prévenir la distorsion du cartilage costal et pour fixer le greffon au niveau céphalique. Meyer suggère de fixer le greffon avec du fil dans la région glabellaire après avoir percé un trou dans l’os par un accès ouvert . D’autres auteurs soutiennent qu’il est suffisant de suturer le greffon à la peau au-dessus par voie transcutanée pendant 7 à 10 jours. Dans la partie caudale, le greffon doit être fixé avec un fil non résorbable à l’épine nasale inférieure ou à son périoste.

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