La plupart des conteurs savent que le climax doit être plus excitant que le reste de l’histoire. Cependant, beaucoup ne savent pas que les climax ont besoin d’un point tournant critique. Négliger ce tournant est l’une des erreurs les plus courantes des écrivains, et sans lui, les fins ne sont pas satisfaisantes. Si vous ne savez pas à quoi je fais référence, ne vous inquiétez pas. Je vais vous montrer comment ils fonctionnent.
Pour être efficace, un point tournant doit avoir deux caractéristiques :
- Il doit modifier fortement le cours des événements, influençant fortement et directement la fin.
- Il doit donner au personnage principal un bon ou un mauvais karma, donnant l’impression que la fin est méritée.
Ces exigences peuvent sembler décourageantes au début. Heureusement, il existe des modèles de base qui rendent les tournants beaucoup plus faciles à intégrer. Pour toute histoire donnée, au moins un de ces modèles est sûr de fonctionner.
La déduction intelligente
Lorsque votre personnage atteint le point culminant, tout est empilé contre lui. Il réfléchit rapidement, rassemblant des indices dans sa tête. Habituellement, ces indices sont des bribes de connaissances que vous avez placées plus tôt dans l’histoire, ainsi que des indices que le personnage principal observe sur le moment. Le protagoniste rassemble ces indices pour aboutir à une prise de conscience importante. Puis il utilise sa nouvelle compréhension pour gagner la journée.
Exemple
Dans le roman Elantris de Brandon Sanderson, le prince Raoden se réveille pour découvrir qu’il s’est transformé en Elantrien. Autrefois beaux et bénis, les Elantriens sont tombés en disgrâce après le grand cataclysme. La magie qu’ils possédaient autrefois ne fonctionne plus, et ils accumulent lentement tant de douleurs chroniques qu’ils sont incapables de fonctionner. Raoden apprend tout ce qu’il peut sur leur magie perdue. Les symboles magiques sont clairement basés sur le paysage du pays, mais ils ne fonctionnent plus. Alors que Roaden est prêt à abandonner et à périr, la réponse lui vient enfin : le cataclysme a changé le paysage, les symboles magiques doivent donc changer avec lui. Fort de cette connaissance, il répare ce qui a été perdu.
Si la déduction astucieuse peut ressembler à une formule pour les histoires de mystère, c’est un tournant très polyvalent. Dans une scène de combat, le personnage principal pourrait découvrir une faiblesse chez son adversaire. Dans un conflit social, le protagoniste peut se rendre compte de la motivation réelle de quelqu’un. Avec une déduction intelligente, votre personnage pourrait réaliser comment la magie fonctionne ou comprendre que son meilleur ami et la bête enragée sont une seule et même personne.
Une déduction intelligente semble plus satisfaisante lorsqu’elle implique de rassembler plus d’un élément d’information d’une manière parfaitement logique mais qui n’est pas immédiatement évidente. Il est utile de planifier à l’avance et de prévoir soigneusement les événements. Pour déclencher la réalisation, donnez-leur des indices à observer pendant la scène culminante, ou mettez-les dans une situation qui leur fait naturellement penser à la solution.
La bataille de la volonté
Pendant le climax, votre personnage principal s’engage dans un conflit qui met à l’épreuve sa force de volonté. Il peut être confronté à une grande tentation à laquelle il n’était pas préparé. Il peut être amené à renoncer à quelque chose d’important pour gagner la journée, ou à rassembler son courage. Personne ne peut dire s’ils feront le bon choix, mais une fois qu’ils l’auront fait, ils auront la fin qu’ils méritent.
Exemple
Lors de la bataille décisive du Retour du Jedi, Luke est tenté d’utiliser sa colère et sa haine pour vaincre son ennemi. Cependant, s’il le fait, il risque de devenir le prochain seigneur Sith. Il prend un tournant décisif lorsqu’il éteint son sabre laser et refuse de se battre. Grâce à sa décision, Vador se retourne contre l’empereur et sauve Luke.
La bataille de la volonté est un excellent choix pour une histoire plus centrée sur le personnage. Au début de l’histoire, établissez clairement les forces et les failles de votre personnage. Puis, au point culminant, laissez ces forces et ces défauts se battre. La façon dont la bataille se termine montrera très clairement si le personnage a changé en tant que personne.
Ce tournant est aussi parfois utilisé plus simplement : pour gagner la journée, le personnage principal doit garder espoir ou continuer à aller de l’avant malgré une douleur ou une épreuve incroyable. Cependant, cet usage est souvent affligé d’un gros problème : aucun lien clair entre l’attitude du personnage et sa réussite. Cela ne répond pas au premier critère d’un tournant efficace.
Généralement, dans ces scènes culminantes, le personnage va lutter durement et échouer. Puis ils décideront qu’ils doivent gagner à tout prix. Lors de leur prochaine tentative, ils font exactement la même chose que la précédente et réussissent, apparemment par coïncidence. Pour éviter ce piège, vous devez montrer comment le manque d’espoir ou d’engagement de votre personnage nuit à ses efforts. De cette façon, le public comprend comment leur nouveau cran mène à leur succès.
Le plan caché
Avant le point culminant, votre personnage principal s’engage dans un pari risqué. Il s’inscrit intentionnellement et avec confiance, mais il ne semble pas possible pour lui de gagner. Puis, lorsqu’il est enfin temps de mettre toutes les cartes sur la table, ils révèlent leur plan astucieux pour réussir – un plan qui a déjà été exécuté.
Exemple
Dans Going Postal, Moist von Lipwig s’efforce de faire du bureau de poste de la ville un succès malgré la concurrence des clacks, un service de type télégramme dirigé par l’impitoyable Reacher Gilt. Pour gagner la partie, von Lipwig défie Gilt dans une compétition simple : qui peut livrer un message à la prochaine ville plus rapidement ? Il semble impossible pour la poste de gagner. Mais lorsque les résultats tombent, tout le monde découvre que le message original envoyé par clacks a été remplacé par un enregistrement des crimes de Gilt – soigneusement organisé par von Lipwig.
Ce tournant est surtout connu pour son utilisation dans les films de casse, où les protagonistes annoncent un plan, sont apparemment déjoués, puis révèlent que tout s’est déroulé selon leur véritable plan. Son utilisation s’étend au-delà des films de casse, mais les éléments clés sont un protagoniste avec un plan de réussite qui n’est révélé qu’une fois qu’il a réussi.
Malheureusement, cela rend aussi ce tournant particulièrement difficile à mettre en œuvre dans une œuvre narrée. Dans les médiums visuels tels que les films, les spectateurs ne savent jamais ce que les personnages pensent de toute façon. Il n’est donc pas trop bizarre que le protagoniste révèle son plan caché. Cependant, lorsqu’on écrit dans un point de vue limité, on s’attend par défaut à ce que les lecteurs sachent ce que le personnage prépare. Il est possible de contourner ce principe, mais c’est délicat. Si cela ne fonctionne pas, votre fin semblera artificielle ou hypocrite. Pour cette raison, le plan caché fonctionne mieux avec des points de vue omniscients ou d’autres points de vue distants.
Le sacrifice
Au point culminant de votre histoire, votre protagoniste obtient une opportunité fugace de sauver la journée – mais seulement au prix de quelque chose de cher. Le héros fait le choix difficile de l’abandonner, et il est récompensé par une victoire.
Exemple
Dans la cinquième saison de Buffy contre les vampires, la sœur de Buffy, Dawn, est la clé pour ouvrir un portail entre d’innombrables royaumes. Une fois qu’un méchant l’a kidnappée et a versé son sang pour ouvrir le portail, tuer Dawn semble être le seul moyen de le fermer. Lorsque tout semble perdu, Buffy se rend compte que sa propre vie devrait également remplacer celle de Dawn. Elle se sacrifie, et le portail se referme.
Le sacrifice est probablement le tournant le plus facile à utiliser. Dans la fiction spéculative, il est généralement simple de mettre en place une situation où le héros va perdre sa vie. Ils pourraient avoir à faire quelque chose d’éprouvant alors qu’ils sont déjà gravement blessés, ou ils pourraient avoir à attraper le méchant avec les deux bras et sauter dans une fosse de lave.
Le héros n’a pas besoin de renoncer spécifiquement à sa vie, mais le sacrifice doit être le sien, et il doit sembler significatif. Si vous avez soigneusement mis en place l’importance d’un objet ou d’un lieu pour eux au cours de votre histoire, ces choses pourraient se sentir suffisamment significatives pour être sacrifiées à la place. Un capitaine ne devrait pas sacrifier son navire et son équipage, mais tout le monde à bord pourrait faire le choix ensemble.
Un tournant de sacrifice semble plus satisfaisant si le public n’a pas l’impression que votre héros était prêt à faire ce sacrifice depuis le début. Dans Live Die Repeat : Edge of Tomorrow, le lieutenant-colonel Bill Cage fait un sacrifice pour vaincre l’ennemi, mais il était prêt à donner sa vie pendant toute la deuxième moitié du film. Si le sacrifice est impensable jusqu’à ce que le héros le fasse, cela donnera plus de sens au climax.
L’accomplissement préalable
Au cours de l’histoire, votre personnage s’efforce de faire quelque chose de valable malgré l’absence de bénéfice évident pour lui-même. Il peut offrir des cadeaux à ceux qu’il trouve dans le besoin, dire ses prières à chaque repas ou simplement attacher soigneusement ses lacets de chaussures avant de quitter sa maison. Tous les autres pensent que le héros ne fait que perdre du temps. Mais lorsque l’apogée arrive, ce sont les gens qu’ils ont aidés, les dieux qu’ils ont satisfaits, ou ces lacets bien attachés qui font la différence.
Exemple
Dans le film Le retour du roi, Eowyn se bat pour devenir un soldat, recevant un découragement continuel de la part des hommes qui l’entourent. Lorsque les hommes du Rohan partent à la guerre, le roi ordonne à Eowyn de rester en arrière. Elle part quand même, cachée par son armure, pour se battre pour son pays. Lorsqu’elle rencontre l’ennemi le plus redoutable du champ de bataille, le Roi-Sorcier d’Angmar, on lui dit qu' »aucun homme » ne peut le vaincre. Elle abat promptement le Roi-Sorcier.
L’exploit précédent est un tournant amusant qui a souvent été utilisé pour donner des leçons de morale dans les contes de fées ou les histoires pour enfants. Il peut être utilisé pour beaucoup plus que cela, et il est assez facile à mettre en place. Vous pouvez avoir besoin d’un peu de préfiguration pour établir comment le bon comportement de votre héros se traduit par une victoire, mais généralement pas beaucoup.
Plus votre personnage se donne du mal pour maintenir sa précieuse poursuite sans gain apparent, plus il est satisfaisant de le voir gagner avec. Faites juste attention à ce que, lorsque votre climax arrive, l’importance de leurs efforts soit révélée en un seul moment stupéfiant. Si vous la révélez avant le climax, vous aurez besoin d’un autre point tournant pour votre scène d’apogée.
Le geste de bonne volonté
Pendant le climax de l’histoire, votre héros fait preuve d’un niveau de gentillesse stupéfiant envers l’ennemi. Cela peut prendre la forme d’une acceptation inconditionnelle, d’une empathie et d’une compréhension inhabituelles, ou d’un véritable cadeau ayant une grande signification personnelle. Le héros peut même donner la chose même que le méchant essayait de voler. Ce geste de bonne volonté provoque un changement d’avis. Le méchant décide d’arrêter de faire du mal, du moins pour le moment.
Exemple
Dans Le film Lego, tous les royaumes lego sont terrorisés par Lord Business. Il prévoit de coller toutes les pièces de lego de façon permanente, figeant tout le monde exactement comme il le souhaite. Le personnage principal, Emmet, est censé être une personne spéciale ayant le pouvoir d’arrêter Lord Business, mais vers la fin, il découvre qu’il n’est pas plus spécial que le lego suivant. Pour mettre fin aux combats et au collage, Emmet rencontre Lord Business. Emmet lui explique que Lord Business est également spécial et qu’il a quelque chose d’unique à apporter au monde. Grâce à cette conversation, Lord Business abandonne ses plans diaboliques.
Le geste de bonne volonté correspond bien à une histoire axée sur les personnages. Mais comme pour les autres conflits axés sur les personnages, il est important de préparer les choses à l’avance. Vous voudrez un méchant sympathique avec une motivation que le public comprend. Cependant, vous n’êtes pas obligé de raconter toute son histoire dans un flash-back. Votre héros peut reconstituer la backstory et la motivation du méchant, puis utiliser ces informations pour faire son geste.
Une fois que vous aurez pris le coup de main sur les tournants, vous verrez qu’il est facile de brouiller les lignes entre eux ou de les combiner. Si vous avez plusieurs personnages qui doivent être des pivots pour le climax, ils peuvent avoir chacun le leur. Tant que vous avez au moins un point tournant qui répond à ces deux critères, le ciel est la limite.